L'imaginaire scientifique sous la loupe de la fiction - Section III

La science devant un miroir déformant : stratégies et stratagèmes vraisemblabilisants dans La Découverte australe (1781) et Pauliska ou la perversité moderne (1798)

DOI: 10.17457/RIL/11_2017.JEL

Alexandra Jeleva (Université de Sofia « Saint Clément d'Orhid »)

La science devant un miroir déformant : stratégies et stratagèmes vraisemblabilisants dans La Découverte australe (1781) et Pauliska ou la perversité moderne (1798)

La relation entre la science et la fiction dans La Découverte australe et Pauliska ou La perversité moderne, que nous qualifions de fantastiques, s’articule autour de la notion de vraisemblance. Cette notion ambiguë, idéologique et esthétique à la fois, représente la pression que le contexte exerce sur le texte. Dans cette optique, le fantastique se présente comme un vraisemblable transgressif qui concurrence le vraisemblable normatif, défini et imposé par le contexte. Le texte fantastique cherche à déjouer la censure exercée par la vraisemblance normative en récupérant différents codes épistémologiques circulant dans le contexte, pour les soumettre à un traitement déformateur et subversif. Dans les deux romans, le discours de la science est manipulé pour remplacer la notion référentielle, doxale, de nature vraisemblable, par une notion paradoxale, spéculative, nourrie par un substrat extra-textuel délibérément éclectique, réfracté et anamorphosé par le texte. Cette déviance discursive est constitutive d’une pseudo-science exposée dans le texte fictionnel. Il s’agit de retourner contre la science ses propres arguments, de creuser ses lacunes, puis de combler la vacuité cognitive, produite artificiellement par le texte, par un patchwork idéologique également produit par le texte. Cette prolifération discursive à l’intérieur du texte, qui, en cautionnant un univers fictionnel anomal et transgressif, permet à la fiction de se forger un alibi vraisemblabilisant, donnant lieu à une forme narrative originale que nous nous proposons d’appeler hétéroencyclopédie.

Mots-clés : vraisemblance, fantastique, stratégie, argumentation, pseudo-science.

The study of the relation between science and fiction in La Découverte australe and Pauliska ou La perversité moderne is based on the concept of verisimilitude. This ambivalent concept – being both ideological and aesthetic – represents the pressure exerted by the context on the text. From this point of view the fantastic element becomes transgressive verisimilitude which is in competition with the normative verisimilitude as defined and imposed by the context. The fantastic text tries to neutralize the censure of the norm by borrowing different epistemological codes, circulating in the context, and manipulating and distorting them. The two novels resort to a strategy which imparts verisimilitude, a discursive deviation. The scientific discourse is manipulated in order to replace the referential, doxical idea of verisimilar nature with a paradoxical and speculative idea of verisimilitude fed by an eclectic ideological context and distorted by the text. This discursive deviation constitutes the pseudo-science presented in the text, legitimizing the anomalous fictional idea of nature. This method is expressed through an original narrative solution in the form of long discursive segments inscribed in the fictional text. In the article we refer to this narrative form as hétéroencyclopédie.
Keywords : verisimilitude, fantastic, strategy, argument, pseudo-science.

L'énergie de la machine à voyager dans le temps : en marche vers une dangereuse modernité

DOI: 10.17457/RIL/11_2017.STO

Elisabeth Stojanov (Université Clermont-Auvergne)

L'énergie de la machine à voyager dans le temps : en marche vers une dangereuse modernité

Apparues avec l’ère industrielle, les machines à voyager dans le temps – imaginées pour la première fois par l’Espagnol Enrique Gaspar (El Anacronópete, 1887) et popularisées ensuite par Herbert George Wells (The Time Machine, 1895) – ont entraîné l’apparition d’une science-fiction volontiers « technologique ». C’est cette technologie que nous nous proposons d’étudier dans cet article. Quelles sciences et surtout quelles énergies sont mises en oeuvre pour la machine ? Est-elle un objet technique aussi moderne qu’elle en a l’air, ou bien, ne peut-on déceler les traces d’une merveille qui frôle le magique ? Pour répondre à ces questions, nous reviendrons tout d’abord sur les transpositions scientifiques mises en exergue dans notre corpus d’étude (qui s’étend de la fin du XIXe siècle jusqu’à la Deuxième Guerre Mondiale). Puis, nous analyserons les énergies employées qui font fonctionner les machines. Enfin, nous montrerons que malgré la présence des sciences et des énergies modernes la machine bascule dans le domaine du merveilleux avec la présence de l’alchimie.
Mots-clés : machine à voyager dans le temps, énergie, modernité, dangerosité, progrès technique.

The time machines first appeared during the Industrial Era. They were introduced in fiction by the Spanish Enrique Gaspar (El Anacronópete, 1887) and later popularized by Herbert George Wells (The Time Machine, 1895). They have inspired the birth of "technological" science-fiction. It is this technology that we propose to focus on in this paper. What sciences and especially what energies are used to develop these new technologies? Are these new technologies as modern as they look or can we detect within their structure and functionning traces of a marvelous that borders on magic? To answer these questions, we will first focus on
the scientific transpositions highlighted in the corpus under study (which extends from the end of the 19th century to the end of World War II). Then we will analyze the different types of energy used to make these new machines work. Finally, we will show that despite the presence of modern science and newly discovered sources of energy, these new machines enter the realm of the marvelous thanks to the use of alchemy.
Keywords : time machine, energy, modernity, dangerousness, technical progress.

Les médiations entre science et fiction dans le roman astronomique de la fin du XIXe siècle

DOI: 10.17457/RIL/11_2017.BER

Charlotte Bertrand (Université de Namur)

Les médiations entre science et fiction dans le roman astronomique de la fin du XIXe siècle

L’article problématise la rencontre entre science et fiction à partir de l’astronomie et d’un corpus de romans d’aventures scientifiques. Dans un premier temps, la contextualisation socio-scientifique de l’astronomie permet de mettre en évidence une représentation complexe de la discipline au XIXe siècle, marquée par l’imaginaire. On envisage ensuite l’astronomie à travers son incorporation dans le domaine littéraire. L’étude analyse les médiations entre science et imaginaire dans le roman astronomique. On distingue les entreprises de représentativité de la science (leçon d’astronomie) de celles où domine le fictionnel (voyage interplanétaire et vie extra-terrestre). Néanmoins, le jugement de fiction est révisé à l’aune du concept de « scientifisation ». À partir de ce concept, l’article analyse l’oeuvre de deux auteurs en particulier, Camille Flammarion et Henry de Graffigny. Il s’agit d’étudier la façon dont le contenu fictionnel astronomique revêt des apparences scientifiques chez ces deux littérateurs impliqués dans la science. Donc, science et fiction sont ici envisagées dans une dynamique de complémentarité plutôt que d’opposition.
Mots-clés : astronomie, scientifisation, roman astronomique, Camille Flammarion, Henry de Graffigny.

This paper questions the encounter between science and fiction through astronomy and a corpus of scientific adventure novels. In a first phase, the socio-scientific contextualization of astronomy reveals a complex representation of the discipline in the nineteenth century, marked by imagination. Secondly, this paper examines the incorporation of astronomy into the literary field. The study analyzes the mediations between science and fantasy in the astronomical novel. We distinguish between attempts to represent science (astronomy lessons) and passages with fictional dominance (interplanetary travel and extraterrestrial life). Nevertheless, the study relativizes the judgment of fiction and introduces the concept of ‘‘scientificization’’. Following this concept, the paper analyzes the work of two authors in particular, Camille Flammarion and Henry de Graffigny. The way in which astronomical fictional content assumes scientific appearances is examined in the works of these two authors who are involved in science. Therefore the relation between science and fiction is considered to be one of complementarity rather than opposition.
Keywords : astronomy, scientifization, astronomical novel, Camille Flammarion, Henry de Graffigny.