I. Panoramas. Onirisme et imaginaire : théories, thèmes et motifs

Modern Imagery of Dreams—A Critical Enquiry

DOI: 10.17457/RIL/12_2018.COL 

Tania Collani (Université de Haute-Alsace, Mulhouse)

Modern Imagery of Dreams—A Critical Enquiry

Les rêves en littérature sont-ils toujours les mêmes ? Ou changent-ils avec le temps, en suivant les évolutions du contexte social, politique et culturel ? S’il est vrai que l’homme a toujours rêvé, faut-il encore se demander s’il a toujours rêvé de la même manière. Et surtout si le rêve après les théories de Freud (1900) présente le même degré d’innocence qu’avant. Quels sont les outils que la critique littéraire peut utiliser pour analyser la présence des rêves, à un niveau formel et thématique, avec un corpus tiré de la production avant-gardiste européenne du début du XXe siècle – entre autres, des auteurs surréalistes comme André Breton, Giorgio De Chirico, Robert Desnos, Paul Éluard, ou des futuristes et des imagistes comme Filippo Tommaso Marinetti et Ezra Pound ? Une étude critique sur la modernité des rêves en littérature doit pouvoir aller au-delà d’une approche ciblée uniquement sur le rêve comme thème et objet, parce qu’il touche l’imaginaire humain et poétique en même temps, en ayant recours à un dénominateur commun, l’image.

Mots-clés : Rêve, Littérature, Imaginaire, Avant-garde, Poétique.

EN Are dreams in literature the same at any time? Or do they evolve as time passes by, with different social, political and cultural settings? Indeed, men have always dreamt; but have they always dreamt in the same way? Is dreaming after Freud’s theories (1900) as innocent as it was before? Which tools can literary criti- cism use to analyse the presence of dreams, at both formal and thematic level, within a corpus of early 20th century European avant-garde literature— including, among others, Surrealist authors such as André Breton, Giorgio De Chirico, Robert Desnos, Paul Éluard, or Futurists and Imagists such as Filippo Tommaso Marinetti and Ezra Pound? A critical enquiry on the modernity of dreams in literature should go beyond a sole thematic approach, because it deals with human and poetical imaginary—where the image is the common denomina- tor between these two dimensions.

Keywords : Dream, Literature, Imaginary, Avant-garde, Poetics.

La communauté onirique : un motif littéraire ?

DOI: 10.17457/RIL/12_2018.ARC 

Rémy Arcemisbéhère (Sorbonne Université, Faculté des Lettres)

En miroir des images de l’isolement romantique fondamentalement marquées par la violence, le motif de la communauté onirique incarne l’espoir de réconciliation et de recomposition entre l’écrivain et le groupe à l’intérieur même du rêve. Vision, projet ou utopie spirituel, elle décrit la réunion, en rêve, de tous les rêveurs. Cette image du « pays du rêve », créé par et pour l’imaginaire, s’incarne régulièrement depuis le XIXe siècle : Blake, Nerval, Keats, la famille Brontë, Hugo et Lovecraft imaginent de tels espaces d’épanchement onirique collectifs. Elles contaminent jusqu’à l’imaginaire surréaliste. Ce motif littéraire manifeste la tension de l’écrivain entre l’impératif de solitude propre au créateur et ses exigences communautaires. Ce motif littéraire met en perspective un moment spécifique de la dialectique du rêve romantique dont les deux pôles sont l’isolement contemplatif et le messianisme de l’utopie sociale.

Mots-clés : Rêve, Utopie, Communauté, Romantisme, Hétérotopie.

EN As opposed to the images of Romantic isolation, essentially marked by violence, the theme of the dream community embodies the hope of reconciliation and reunification between the writer and the group within the dream itself. Vision, project or spiritual utopia, it describes the dream meeting of all dreamers. This idea of a dream land created by and for dreamers appeared regularly since the 19th century: Blake, Nerval, Keats, the Brontë family, Hugo or Lovecraft imagine such spaces of collective dreamlike effusion. It contaminates also the surreal imagery. This literary motif reveals the tension between the creator’s need of loneliness and his social demands. This literary motif puts into perspective a specific moment in the dialectic of the Romantic dream, whose two poles are contemplative isolation and messianism of social utopia.

Keywords : Dream, Utopia, Community, Romanticism, Heterotopia.

Rêves de médias, médias du rêve

DOI: 10.17457/RIL/12_2018.VAL 

Jean-Christophe Valtat (Université Paul Valéry-Montpellier, 3, RIRRA 21)

Rêves de médias, médias du rêve

Les conceptions antiques du rêve, dans la distinction qu’elles opèrent sou- vent entre le rêve banal et le rêve porteur de révélation, considèrent ce second type comme un véritable média – par lequel le sujet devient le récepteur d’un message plus ou moins brouillé qu’il est possible de décrypter. Cet aspect médiatique est souvent mis en scène de manière réflexive dans le rêve lui-même par la présence d’une médiation matérielle, d’un message écrit ou d’un livre.

Les changements de paradigme qui jusqu’à Freud internalisent progressivement « l’émission » du rêve, ne semblent rien changer à cette conception « médiatique ». On est frappé, en effet, en lisant les recueils de rêves plus ou moins « bruts » récurrents chez les écrivains du XXe siècle (Façons d’endormi, façons d’éveillé de Michaux, Nuits sans nuits et quelques jours sans jours de Leiris, La Boutique Obscure de Perec, les rêves de Benjamin publiés ici ou là, ou encore Mes rêves d’Adorno) par la place assez fréquente qu’y occupent les médias : non seulement l’écrit mais aussi l’image fixe ( peinture, photographie ) ou mouvante (cinéma). Pourtant ces dispositifs réflexifs médiatiques apparaissent dans le contexte postfreudien comme paradoxaux : pointant, certes, toujours et de manière réflexive vers la possibilité d’une interprétation, mais aussi, dans le même temps, la récusant, ils désignent plutôt désormais le lieu d’une opacité embarrassée, dans laquelle le sujet hésite à se reconnaître lui-même et à s’impliquer dans le rêve ainsi distancié.

Mots-clés : Rêve, Interprétation, Médias, Psychanalyse, Littérature du XXe siècle.

EN The antique conceptions about dreaming, in the distinction that they often operate between the banal dream and the revelatory dream, consider this second type as a real media—through which the subject becomes the receiver of a more or less blurred message that it is possible to decipher. This mediatic aspect is often staged in a reflexive way in the dream itself by the presence of a material mediation, be a written message or a book. The paradigm shifts that up to Freud gradually internalize the «emission» of the dream, do not seem to change anything to this «media» conception. One is struck, indeed, by reading the collections of more or less «crude» dreams recurring in the writers of the 20th century (Michaux’s Façons d’endormi, façons d’éveillé, Leiris’s Nuits sans nuits et quelques jours sans jours, Perec’s La Boutique obscure, the dreams of Benjamin published here and there, or Adorno’s Dream Notes) by the ongoing presence of the media: not only the written word but also the still (painting, photography) or moving images (cinema). However, these reflective media devices appear in the post- Freudian context as paradoxical: still pointing in a reflexive way towards the pos- sibility of interpretation, but also, at the same time, denying it. As such, they ap- pear as a locus of embarrassment and opacity in which the subject hesitates to recognize himself and takes his distance with the dream.

Keywords : Dream, Interpretation, Media, Psychoanalysis, 20th century Literature.