La hache de Ronsard et la lance d'Achille, ou l'ulcère téléphien

Ruggero Campagnoli (Università di Bologna)

La hache de Ronsard et la lance d'Achille, ou l'ulcère téléphien

Dans le mythe grec la lance d'Achille qui a blessé Télèphe est aussi le seul instrument qui peut le guérir. Cette forme de remède homéopathique à la blessure présente un aspect érotique que les poètes préservent à travers les siècles jusqu'à l'âge moderne: à partir de Macedonius, Ovide et Properce le couple Télèphe-Achille devient emblématique du couple d'amants, passible de modifications qui le rendent plus aptes à exprimer les exigences de l'auteur. Ainsi, par exemple, la figure d'Achille se superpose à celle du Christ dans le style maniériste de l'Arioste, tandis que la castration de la lance d'Achille dans un hache chez Ronsard paraît voiler et au même temps célébrer l'amour homosexuel.
Mots-clés : Songe de Polyphile, Colonna, pseudo-Jeanne Flore, remède d'amour, Jean Martin

Le mal et son remède: les paroxysmes amoureux dans deux réécritures françaises de l'Hypnerotomachia Poliphili

Gilles Polizzi (Université de Paris XII)

Le mal et son remède: les paroxysmes amoureux dans deux réécritures françaises de l'Hypnerotomachia Poliphili

Entre 1540 et 1550 la France est «envahie» par les romans italiens ou italianisants, qui marquent un changement dans la façon de traiter la passion amoureuse et de la représenter dans l'écriture fictive. À travers l'analyses de deux transposition françaises de l' Hypnerotomachia Polyphili de Francesco Colonna il est possible de mettre en évidence l'émergence d'une nouvelle esthétique de l'amour, qui rejette la tradition courtoise et chevaleresque et la représentation allégorique en faveur d'une passion plus charnelle et réaliste, dans laquelle les opposés se rencontrent et la plaie d'amour se soigne «par le fer, le feu et les poison» selon la leçon de l'Arioste.
Mots-clés : Songe de Polyphile, Colonna, pseudo-Jeanne Flore, remède d'amour, Jean Martin.

Un caso di violenza di genere: la «ninfa degollada» di Garcilaso de la Vega (Églogas, III)

Raffaele Pinto (Universitat de Barcelona)

Un caso di violenza di genere: la «ninfa degollada» di Garcilaso de la Vega (Églogas, III)

La troisième églogue de Garcilaso de la Vega présente, par le biais d'une image d'égorgement tirée des Métamorphoses ovidiennes, le thème de la mort de la femme aimée, qui fait son apparition dans la littérature italienne avec Dante. Chez ce dernier la substitution de ce thème à celui de la mort du poète marque un détachement de la tradition médicale de la symptomatologie de l' herois, la maladie amoureuse, témoignée dans l'œuvre du médecin catalan Arnau de Villanueva. Cette substitution correspondrait à substituer le deuil à une forme de mélancolie, ce qui rendrait possible, selon la thèse proposée par Freud dans son essai Deuil et mélancolie , l'expression lyrique de la tension provoquée par le sentiment de manque.
Mots-clés : Garcilaso de la Vega , Dante, lutte, égorgement, églogue.

Metamorfosi dell'hereos. Fonti medievali della psicofisiologia del mal d'amore in età moderna (XVI-XVII)

Roberto Poma (Université de Paris XII)

Metamorfosi dell'hereos. Fonti medievali della psicofisiologia del mal d'amore in età moderna (XVI-XVII)

Issu des traductions latines des traités médicaux du Moyen Âge, où la tradition médicale aristotélique sur la mélancolie rencontre celle platonique de l'éros, l'amour hereos connaît une grande fortune dans les siècles suivants comme pathologie physiologique, venant à coïncider souvent avec la mélancolie, lui aussi affligeant les humours humains. Si traditionnellement on recommande un traitement allopathique de l' hereos avec Paracelse et le rejet de la tradition médicale galénique et hippocratique celui-ci devient une maladie de l'imagination, à soigner par une réglementation de la vie sexuelle et par le rejet de l' otium selon un souci moral inconnu aux anciens qui gagne en importance au XVIIe siècle dans les milieux contre-réformistes et puritains.
Mots-clés : Arnaldo da Villanova, hereos, maladie d'amour, Paracelse.

Inseguire e fuggire, in guerra e in amore

Simonetta Nannini (Università di Bologna)

Inseguire e fuggire, in guerra e in amore 

L'oracle «celui qui blesse guérira» peut s'étendre au domaine érotique puisque dès l'origine de la littérature grecque la guerre et l'amour partagent les mêmes termes: si la lyrique puise dans l'épique les termes de «bataille» et la symptomatologie physique du désir mêlé à l'effroi, l'épique chante déjà le duel en termes érotiques. L'histoire d'une similitude particulière (Il. XXI 199-201) montre que dès l'Iliade à l'Eneide jusqu'à l'Ilias Latina, à Chrétien de Troyes et à Tasso la frustration est la marque distinctive des duels décisifs autant que des rencontres d'amour, avec les fuites et poursuites, dans l'impossibilité d'atteindre son but pour toujours. L'emploi de cette similitude par Platon met en relief l'aspect de frustration du dialogue socratique, où l'interlocuteur tombe en aporia et Socrate prend le rôle d'un pharmakon personnifié.
Mots-clés : poursuite, dialogue socratique, Homère, littérature grecque

L'éros nelle declamazioni latine (una pozione di contro-amore)

Gualtiero Calboli (Università di Bologna)

L'éros nelle declamazioni latine (una pozione di contro-amore) 

Parmi les célèbres XIX Declamationes Maiores du pseudo-Quintilien la XIVe et la XVe traitent un cas de «odi potio» apparemment unique dans la littérature latine, pourtant riche d'exemples de philtres d'amour et d'amours troublées, particulièrement dans le théâtre, qui est souvent source de sujets pour le genre de la déclamation. Écrites dans un milieu païen tolérant, tel celui de la schola du forum traiani de Ierius et Drancontius, ces déclamations montrent la possibilité d'une rencontre heureuse entre les domaines du droit et de la rhétorique capable d'en manipuler les catégories traditionnelles tout en préservant le caractère plus subtilement psychologique d'une vicissitude profondément humaine .
Mots-clés : éros, déclamations latines, rhétorique, odi potio