La maladie amoureuse dans les images et les textes

Laura Borràs Castanyer (Universitat Oberta de Catalunya)

La maladie amoureuse dans les images et les textes

Figure sur laquelle se croisent les savoirs de plusieurs disciplines (médecine, théologie, droit), celle du fou représente un motif fréquent dans les poèmes chevaleresques, où elle se pose toujours comme symbole de l'éloignement de la civilisation et de tout contact humain. La folie en littérature se présente toujours de façon facilement reconnaissable à travers des comportements spécifiques (refus des vêtements, perte du langage, fuite vers le forêt ou le désert, etc.) dont nombreux caractérisent l'Orlando de l'Arioste. La folie de celui-ci peut être classée parmi celles causées par la perte de la dame aimée, «raison» de vivre du chevalier. La folie du chevalier est en fait souvent connectée au motif de l'amour, comme dans les troubadours: parfois c'est la force même de l'amour qui rend fous, mais parfois c'est la chevalier qui choisit ouvertement de se soumettre à la folie, de se feindre fou, pour s'approcher de l'objet de son amour: c'est le cas du Tristan de la Folie Tristan.
Mots-clés : folie, Arioste, Roland, chevalerie

Il remedium amoris da Ovidio a Enea Silvio Piccolomini

Paola Pinotti (Università di Bologna)

Il remedium amoris da Ovidio a Enea Silvio Piccolomini 

Enée Silvius Piccolomini a une connaissance très large des auteurs latins, comme on peut apprendre en lisant sa correspondance. En particulier, il avait lu l' Ars et les Remedia , qui étaient beaucoup imités dans le Moyen Age et la Renaissance.
Dans son épitre à Ippolito Porro (1446), qui a pour titre De remedio amoris , il reprend plusieurs topoi de la poésie érotique grecque et latine, mais sa vision de la femme, de l'amour et du péché sort de l'idéologie chrétienne.
Dans son œuvre de jeunesse, le recueil élégiaque Cinthia , on reconnaît l'influence surtout de Virgile, et parfois de Properce: on peut voir le motif du remedium amoris et celui de la medicina amoris en particulier dans l' incipit de l'élégie 21, adressée à Cinthia, qui présente des allusions aux poètes latins, mais aussi une longue citation de St. Ambroise. Dans l'élégie 23, à Cupidon, le couplet final cite de près les Remedia ovidiens, v.79-120, quoique cette élégie ne montre pas encore la maturité et l'élégance stylistique de celui qui va devenir Pape Pius II.
Mots-clés : Piccolomini, remedium amoris, Ovide, latin, humanisme

Gli amori di Arianna secondo il Rinuccini

Maria Paola Funaioli (Università di Bologna)

Gli amori di Arianna secondo il Rinuccini

Le mythe d' Ariane abandonnée par Thésée dans l' île de Naxos et de son successif mariage avec le dieu Dionysos remonte a Hésiode, toutefois la tradition grecque lui donne souvent une conclusion malheureuse. La tradition latine (Catulle, Ovide) présente toujours le mariage divin, sans pourtant ôter à Ariane ni jalousie, ni tristesse. Son eros n'est pharmakon qu'au sens de «poison». Son image, de l' antiquité à la Renaissance et à l' âge baroque, est celle d'une victime, ou bien d'une bacchante. Seul Octave Rinuccini, poète de la Camerata Fiorentina , le premier écrivain de textes pour mélodrame, montre, en 1608, une Ariane heureuse et joyeuse, dont le second amour, en même temps, la blesse et guérit la blessure du premier.

Mots-clés : Eros, Pharmakon, Arianna, Dioniso, Rinuccini

Une édition des Angoisses et remèdes d'amour de Jean Bouchet suivi de L'Histoire d'Euralius et Lucresse d'Enea Silvio Piccolomini: acte éditorial comme pharmakon

Daniel Maira (Université de Bâle)

Une édition des Angoisses et remèdes d'amour de Jean Bouchet suivi de L'Histoire d'Euralius et Lucresse d'Enea Silvio Piccolomini: acte éditorial comme pharmakon

Dans une édition parisienne des Angoisses et remèdes d'amours de Jean Bouchet, l' Histoire des deux amants d'Enea Silvio Piccolomini lui a été juxtaposée. Cet assemblage peut se comprendre indéniablement comme une opération commerciale. Cependant, par des coupures importantes qui suppriment les passages les plus voluptueux, cette nouvelle se trouve réécrite par une instance éditoriale pour s'aligner sur l'œuvre qui la précède. De cette manière, la fiction érotique de l' Histoire des deux amants est infléchie en une fiction amoureuse didactique, l' ars amatoria devient remedium amoris . Par conséquent, les deux œuvres sont investies d'une réécriture éditoriale qui a trois effets: elle exprime les préoccupations esthétiques et le dessein didactique du libraire, Madeleine Boursette; elle transforme les œuvres de jeunesse de Bouchet et Piccolomini en œuvres de maturité par l'infléchissement moral et le point de vue rétrospectif, et, de ce fait, elle élève au rang de modèle moral et de canon littéraire deux auteurs qui partagent les mêmes préoccupations religieuses que l'instance productrice. La lecture de la fiction poétique peut ainsi être profitable et agir de pharmakon si elle sait infléchir la force de l'imagination en un discours vertueux qui conduit le lecteur au refus de fol amour.
Mots-clés : édition, Piccolomini, Remèdes d'amour, Bouchet, Euralius et Lucresse

Eros au miroir: mélancolie amoureuse et homosexualité dans quelques comédies de Shakespeare

Éric Lysøe (Université de Mulhouse)

Eros au miroir: mélancolie amoureuse et homosexualité dans quelques comédies de Shakespeare

Au cœur de la comédie de Shakespeare gît «une force ténébreuse curieusement associée aux joies de l'amour» qui nous permet de dire que la mélancolie n'est pas chez le grand dramaturge une présence superficielle dictée par la mode de l'époque; au contraire, quand elle apparaît de façon trop évidente dans un personnage elle renvoie toujours à une vision complexe de la passion amoureuse. À travers l'analyse d' A midsummer's night dream et, plus brièvement, de The twelfth night , As you like it et The merchant of Venice , on prend conscience que dans le jeu théâtral des identités sexuelles et des désirs croisés le poète révèle le double aspect d'Éros, qui se manifeste parfois comme puissance créatrice d'un nouvel objet d'amour et apprête un remède à la mélancolie amoureuse mais qui peut tout aussi bien manifester son pouvoir destructeur quand le désir sexuel est refoulé.
Mots-clés : Shakespeare, comédie, homosexualité, mélancolie, éros

Guérir ou mourir : petites notes sur le poison de l'amour (et sur le Properce de Béroalde)

Anna Maranini (Università di Bologna)

Guérir ou mourir : petites notes sur le poison de l'amour (et sur le Properce de Béroalde)

La tradition utilise souvent le mot amor en synonyme du mot venenum , poison. Dans la symbolique, il s'agit de la mala pars d'un symbole entier et d'une iconologie comprenant également une bona pars . Après en avoir mis à jour certains formules allégoriques, l'auteur analyse le concept chez Properce (2, 12, 19 intactos isto satius temptare veneno ) d'après les Commentarii in Propertium de Philippe Béroalde le Vieux (1453-1505).
Mots-clés : Philippe Béroalde, Properce, éros, poison, amour

«Paradiso infernal, celeste inferno». Ossimori d'amore nell'Adone de Giovan Battista Marino

Andrea Battistini (Università di Bologna)

«Paradiso infernal, celeste inferno». Ossimori d'amore nell'Adone de Giovan Battista Marino

Le mot «pharmakon» porte en soi un oxymore que toute traduction trahit en choisissant d'en souligner un seul aspect, comme l'a bien remarqué J. Derrida. La même ambigüité caractérise la figure d'Amour, parfois doué d'une vue extraordinaire, parfois aveugle. Celui d'oxymore est un concept qui se trouve être particulièrement apte à exprimer la pensée baroque, comme le montre bien l'œuvre de Giovan Battista Marino Adone ; dans ce long poème l'oxymore est lié au thème d'amour de plusieurs façons: dans l'histoire du protagoniste qui donne le nom à l'ouvrage (Adone, rendu amoureux par celui qui devait le tuer, reçoit de lui un baiser mortel par un sanglier tombé amoureux de lui) et dans le tissu même du texte poétique (où l'oxymore se mêle à d'autres procédés rhétoriques, comme dans la description d'Amour faite par Vénus).
Mots-clés : oxymore, amour, Adone, Giovan Battista Marino, Baroque

Minne, Liebe, Schwärmerei tra Medioevo e Barocco

Peter P. Waentig (Università di Bologna)

Minne, Liebe, Schwärmerei tra Medioevo e Barocco

De différentes formes d'amour littéraire telles que Minne , Liebe et Schwärmerei caractérisent la littérature érotique allemande entre le moyen-âge et le baroque. La Minne , toujours représentée en dame noble, cause les tourments d'amour aussi bien qu'elle peut en guérir. L'amour en tant que doux sentiment qui lie deux personnes au niveau sentimental et érotique est traité dans les textes scientifiques des médecins et philosophes humanistes beaucoup plus libéralement que dans les Belles Lettres de l`époque. La Schwärmerei comme exaltation d`amour rhétorique dans la tradition pétrarquiste évanouit dans la littérature allemande du XVIIe siècle.
Mots-clés : Minne, Liebe, Schwärmerei, Moyen Âge

Erotocritos: Eros pharmakon ou «erotos crissi» ? Le baroque néo-hellénique et ses impacts

Georges Fréris (Université de Thessalonique)

Erotocritos: Eros pharmakon ou «erotos crissi» ? Le baroque néo-hellénique et ses impacts

Travail qui répond au titre du Colloque, centré sur la solution de l'amour, conçu comme remède à une thématique d'une période de la littérature européenne, par l'étude du poème grec, Erotocritos, de V. Cornaros. C'est une des rares œuvres baroques de la Renaissance néo-hellénique où la passion érotique se présente comme un sentiment capable de changer le monde s'il est maîtrisé par la sagesse. Le poème vise à élever l'homme de ses bassesses et sentiments. Précisant les sources, le cadre social et la chronologie du poème, on définit le baroque selon les théories d'H. Wölfflin et d'Eugenio d'Ors, on évoque les principaux traits originaux de la passion et on mentionne l'impact du poème crétois sur le devenir littéraire et culturel de la Grèce moderne.
Mots-clés : passion, amour, prudence, baroque, littérature crétoise

Quand la maladie d'amour devient hystérie: le tournant de l'âge classique

Paul Mengal (Université de Pris XII)

Quand la maladie d'amour devient hystérie: le tournant de l'âge classique

Le XVIe siècle marque un changement d'attitude aux égards de la passion amoureuse qui se manifeste dans les traités moralisateurs tout aussi bien que dans les traités médicaux. Celle-ci a été toujours envisagée comme la manifestation d'un esprit nocturne et démoniaque, selon la conviction humaniste d'une correspondance entre macrocosme et microcosme humain. Au XVIe siècle nous avons un rejet progressif de cette vision en faveur d'un traitement plus «rational» de la passion amoureuse, à laquelle est associée de façon toujours plus fréquente notion d'«hystérie», affection qui est dite concerner le cerveau et le sang plutôt que l'utérus, marquant un passage dans la tradition médicale qui rentre dans un cadre historique plus vaste entraînant un contrôle de la société à travers la réformation de la morale.
Mots-clés : âge classique, hystérie, médecine, amour, mélancolie