Sommaire et Résumés

Bibliographie du numéro

Présentation du numéro

Articles

Version papier : Enrico Monti (éd.), « La Réception des idéogrammes dans la poésie européenne du début du XXe siècle / The Reception of Ideograms in Early 20th Century European Poetry », Ri.L.Un.E. – Revue des Littératures de l’Union Européenne, n° 8, déc. 2008, Bologna, CLUEB, 2010.

De l’Idéographie et de ses enjeux en poésie

Jean-Gérard Lapacherie (Université de Pau)

De l’Idéographie et de ses enjeux en poésie

L’idéographie naît dans l’écriture, mais elle déborde largement de ce cadre. Elle se rapporte aux textes: ceux-ci, une fois qu’ils sont imprimés, ne se présentent pas comme homogènes pour ce qui est des signes et de la mise en pages. Ils peuvent être faits de signes d’écritures diverses. L’idéographie a pour enjeu les pouvoirs qu’est censée avoir la poésie: les mots écrits suivant les règles idéographiques peuvent-ils avoir prise sur les choses du monde et pas seulement les représenter? Ces enjeux apparaissent dans les critiques passionnées que l’idéographie a suscitées en linguistique, de sorte que, si l’on tient à en faire une analyse cohérente, il faut la penser hors de l’emprise des linguistes modernes, et se fonder sur les pensées linguistiques anciennes, celles des XVIIIe et XIXe siècles, sur les travaux des imprimeurs et des typographes du XIXe siècle, ainsi que sur la crise du langage poétique qui éclate à la fin du XIXe siècle et à laquelle l’idéographie apporte une réponse.
Mots-clés : idéographie, typographie, histoire de l’écriture; linguistique.

 

 

 

Three Spanish Ultraist Poets

Willard Bohn (Illinois State University)

Three Spanish Ultraist Poets

Le mouvement d’avant-garde «ultraïste» fleurissait en Espagne de 1919 jusqu’à la fin de 1921. Cet article examine trois poèmes visuels composés par trois poètes qui employaient une approche créatrice très différente l’un de l’autre. Montrant une villa imaginaire, le dessin de Pedro Raida est essentiellement réaliste. Contenant huit analogies visuelles, le poème d’Andrés Nimero retrace la route suivie par un tramway au centre de Séville. Par contraste, la création d’Eliodoro Puche juxtapose une seule analogie visuelle avec une métaphore extraordinaire.
Mots-clés : Ultraïsmo; poésie visuelle; Raida, Pedro; Nimero, Andrés; Puche, Eliodoro

 

La Réception du calligramme avant-gardiste en Espagne: Le Discours du nouveau et le passé sentimental

Jaime Baron Thaidigsmann (Université Bordeaux 3)

La recepciòn del caligrama vanguardista en Espana: el argumento de lo nuevo y el pasado sentimental

La configuration du présent dans le calligramme apollinarien n’exclut pas le sujet sentimental et symboliste, mais sa réception en Espagne, en combinaison avec celle du futurisme, tend à éliminer cette instance en mettant en avant un discours sur le nouveau qui interdirait l’«ancienne musique». Cette stratégie unilatérale révèle pourtant des dépendances du passé littéraire. En revanche, les calligrammes de Juan Larrea («Estanque», «Sed») ont recours à la dimension sentimentale, qui devient le contenu historique polémique de l’acte calligrammatique, en proposant une modernité actualisée par le dialogue avec l’histoire littéraire.
Mots-clés : calligramme; Apollinaire, Guillaume; Larrea, Juan; ultraïsme; histoire littéraire

Reading within the Lines: Henri Michaux and the Chinese Art of Writing

Cordell D. K. Yee (St. John’s College)

Reading within the Lines: Henri Michaux and the Chinese Art of Writing

Depuis le début du XXe siècle la théorie linguistique a été marquée par une scission en réponse à l’écriture chinoise. En linguistique, l’écriture a souvent été considérée comme parasitique du discours, dans son effort de représenter la parole. En poétique, la réponse a été un peu différente. Ezra Pound, par exemple, a trouvé une méthode structurale pour la construction du sens dans la composition des caractères chinois. Des caractéristiques similaires ont attiré l’attention d’Henri Michaux au début de sa carrière, mais successivement les caractères chinois ont acquis une importance extralinguistique. Le lieu du sens pour Michaux passe du signe à la ligne. L’écriture chinoise a aidé Michaux à retrouver ce qui avait été perdu dans l’écriture européenne, à cause de la modernisation de la production textuelle. Le résultat est la nécessité d’une révision de l’herméneutique pratique. L’interprétation d’un texte n’est plus une question de lecture entre les lignes, mais dans les lignes.
Mots-clés : Michaux, Henri; idéogramme; écriture; poétique; médias artistiques

Between Text and Image, East and West: Henri Michaux’s Signs and Christian Dotremont’s “Logogrammes”

Nina Parish (Bath University)

Between Text and Image, East and West: Henri Michaux’s Signs and Christian Dotremont’s “Logogrammes”

De par leur manifestation matérielle sur la page ou sur le tableau, il est évident que les signes d’Henri Michaux et les «logogrammes» de Christian Dotremont portent des traces de formes idéographiques et calligraphiques. Comme de nombreux peintres et écrivains, Michaux et Dotremont s’intéressèrent à ces systèmes de signification, qui fonctionnent de manière très différente de l’alphabet occidental. Plusieurs créateurs, bien que fascinés par les qualités formelles de l’idéogramme, ne comprirent pas ou ne comprirent guère la façon dont ce système établit le sens. Dans cet article, nous examinerons les raisons pour lesquelles Michaux et Dotremont furent séduits par les possibilités créatrices de l’idéogramme et leurs appropriations respectives de cette forme.
Mots-clés : Michaux, Henri; Dotremont, Christian; Logogrammes; signes; idéogrammes

BILD-DING-GEDICHTE: Mörike – C. F. Meyer – Nietzsche – Rilke – Morgenstern

Peter André Bloch (Université de Haute-Alsace)

BILD-DING-GEDICHTE: Mörike – C. F. Meyer – Nietzsche – Rilke – Morgenstern

Cette étude essaie d’évoquer les problèmes et les possibilités qui se présentent chez quelques écrivains lyriques de langue allemande, compte tenu des traditions européennes et des différentes conceptions poétiques présentes au XXe siècle. À partir de la fin du XIXe siècle, Mörike et Meyer avaient déjà pratiqué l’art de la méditation poétique: ils ont décrit les énergies de la création artistique pour faire émerger les relations polyvalentes entre parole, forme et signification. Dans certaines des ses poésies, Nietzsche a essayé d’évoquer la tension entre le perspectivisme du monde extérieur et la plénitude virtuelle du moment exquis de la création artistique; tout comme Rilke, qui a tenté de représenter la complexité grandiose et troublante de sa vision du monde réel devant ses souvenirs, sa réflexion esthétique et la force objectivante de son imagination. Morgenstern a parodié de son côté les apparences illusoires du monde concret en jouant, avec humour, sur le sens premier et figuré des mots, sur l’ambiguïté de toute définition apparemment plausible.
Mots-clés : poésie lyrique allemande; représentation; subjectivité; forme

"It can't be all in one language" : Poetry and "Verbivocovisual" Language in Joyce and Pound

Federico Sabatini (Università di Torino)

“It can’t be all in one language”: Poetry and “Verbivocovisual” Language in Joyce and Pound

Mon essai analyse la relation entre musique, langage verbal et langage visuel dans les innovations littéraires de Joyce et Pound. Les deux auteurs préconisaient une nouvelle conception de poésie, une nouvelle façon de décrire le temps et l’espace dans leurs aspects fragmentés de simultanéité et de juxtaposition. Je mets en relation certains des premiers poèmes de Pound avec Chamber Music de Joyce, en soulignant la combinaison de melopoeia, phanopoeia et logopoeia qui trouve son écho naturel dans la catégorie du «verbivocovisual» chez Joyce. Enfin, la technique idéogrammatique de Pound, dérivée des idéogrammes chinois, est comparée à la méthode étymologique de Joyce, puisque les deux sont utilisées pour accomplir ce que Joyce appelait une concreation, et Pound un compendius, de significations et de cultures.

Mots-clés : musique, visuel, art, phonétique, étymologie

Le Principe d’orientation: Surréalisme et idéographie

Laurent Bazin (Université de Versailles-Saint-Quentin)

Le Principe d’orientation: Surréalisme et idéographie

Parti en quête de formes neuves pour réinventer la relation au monde et au langage, le Surréalisme (perçu en tant que mouvement par delà la diversité de ses membres) cherche dans le dialogue du texte et de l’image des interactions nouvelles au service d’une symbolisation régénérée; il renoue ce faisant avec des codes plus anciens, en particulier l’idéographie où il puise un modèle à la fois conceptuel et esthétique autour duquel orienter ses partis pris de représentation. On se propose donc ici de retracer l’histoire de cette rencontre en cherchant dans l’activité théorique et poétique du mouvement les marques de l’influence que les idéogrammes, notamment chinois, exercent sur les avants-gardes artistiques au début du XXe siècle.
Mots-clés : surréalisme; idéographie; poésie; signe; symbole

L’Idéogrammaticité de Stèles et la plasticité de Cent Phrases pour éventails

Yin Yongda (Université de Pau)

L’Idéogrammaticité de Stèles et la plasticité de Cent Phrases pour éventails

L’idéogramme chinois est pourvu de deux propriétés principales. La première, qui consiste principalement en la structuralité, le dynamisme et la rationalité internes de l’idéogramme, est nommée «idéogrammaticité»; la seconde, réunissant l’effet palpable ou visuel de la structure idéogrammatique et le mouvement que celle-ci implique, est nommée «plasticité». Cet article traite de la manifestation des deux propriétés graphiques dans Stèles de Victor Segalen et dans Cent Phrases pour éventails de Paul Claudel. Dans Stèles est concentrée la première propriété, tandis que dans Cent Phrases pour éventails est concentrée la seconde.
Mots-clés : idéogrammaticité; plasticité; gestualité; Claudel, Paul; Segalen, Victor

La Poésie idéographique de Pierre Albert-Birot

Marianne Simon-Oikawa (Université de Tokyo)

La Poésie idéographique de Pierre Albert-Birot

C’est dans le sillage d’Apollinaire que Pierre Albert-Birot (1876-1967), pionnier de la poésie visuelle en France, découvrit l’idéogramme, synonyme pour lui de «calligramme». Le mot le séduisit, et il écrivit à son tour des «poèmes idéographiques», avant d’y renoncer, assez rapidement. L’idéogramme fut cependant chez lui plus qu’un simple engouement passager. Car s’il abandonna le mot, il ne rejeta pas les principes sur lesquels repose le signe idéographique lui-même. L’article tente d’examiner les formes et les enjeux de l’idéogramme dans l’œuvre de ce poète qui, indifférent à l’écriture chinoise, sut retrouver sous d’autres noms, et à l’intérieur du système alphabétique, les principes d’une écriture visuelle proprement idéographique.
Mots-clés : Albert-Birot, Pierre; poésie visuelle; idéographie.